Communiqué de presse : Ce que le recours à la facilité de dépôt peut nous apprendre, et ce qu’il ne nous apprend pas
Article publié dans la Revue économique de juin 2012
Les deux volumineuses opérations d’octroi de liquidités menées par l’Eurosystème le 22 décembre 2011 et le 1er mars 2012 ne sont pas passées inaperçues. Ces opérations ont été abondamment commentées par différents médias et opérateurs de marché. En particulier, la forte hausse consécutive du recours à la facilité de dépôt – un compte auprès de la banque centrale sur lequel les banques peuvent placer leur excédent de liquidités en fin de journée à un taux pénalisant – a été largement citée par les observateurs pour illustrer la gravité de la crise bancaire et la méfiance accrue entre les banques.
Dans le présent article, nous tentons de nuancer quelque peu deux interprétations du recours à la facilité de dépôt. La première interprétation voit les fluctuations journalières des montants sur la facilité de dépôt comme le reflet au jour le jour des tensions dans le système bancaire. Étant donné que les banques ne doivent seulement satisfaire qu’à une obligation de réserves moyennes durant une période de constitution de réserves, l’évolution du recours à la facilité de dépôt présente un profil saisonnier. Ce profil n’est pas présent dans l’excédent de liquidités sur le marché monétaire, qui se compose du montant placé sur la facilité de dépôt et des avoirs que les banques détiennent sur leur compte courant auprès de l’Eurosystème en sus des réserves obligatoires. Cet excédent semble dès lors plus apte à mesurer les tensions dans le système bancaire c’est-à-dire la mesure dans laquelle la banque centrale opère comme intermédiaire entre les banques.
Une deuxième interprétation erronée est l’affirmation selon laquelle le recours important à la facilité de dépôt signifie que les banques ne prêtent pas à l’économie réelle et qu’elles thésaurisent auprès de l’Eurosystème les liquidités qui leur sont octroyées. Comme la relation entre l’Eurosystème et ses contreparties constitue un circuit fermé, le recours élevé à la facilité de dépôt ne nous apprend quasiment rien sur l’affectation des liquidités de banque centrale reçues et donc rien non plus sur l’octroi de crédits des banques au secteur non financier. Cet aspect est illustré dans l’article à l’aide de quelques exemples.
Cette observation fait en outre apparaître qu’un excédent important de liquidités ne met pas nécessairement en péril la stabilité des prix, puisque c’est plutôt l’évolution de l’octroi de crédits et de la masse monétaire au sens large – c’est-à-dire l’argent détenu par le public – qui est déterminante à cet égard. C’est précisément pour cette raison que la stratégie de politique monétaire de l’Eurosystème assigne un rôle important à l’évolution du crédit et de la masse monétaire au sens large et non à la base monétaire.