Communiqué de presse - Piloter le taux d'intérêt ou la base monétaire : incidence sur le bilan d'une banque centrale
Article publié dans la Revue économique de décembre 2007
L'objectif principal de la politique monétaire au sein de la zone euro est de maintenir la stabilité des prix. C'est pourquoi la stratégie de politique monétaire de l'Eurosystème repose avant toutes choses sur une définition quantitative de la stabilité des prix. Le Conseil des gouverneurs de la BCE définit cette dernière comme une hausse annuelle de l'IPCH dans la zone euro inférieure à, mais proche, de 2 p.c. à moyen terme. Il ne peut dès lors subsister aucun doute quant à l'objectif final de la politique monétaire. Afin de pouvoir estimer correctement les risques pesant sur la stabilité des prix, la stratégie de politique monétaire repose sur un cadre analytique composé de deux piliers. L'analyse économique vise à évaluer les évolutions économiques et financières et les risques que celles-ci représentent pour la stabilité des prix. L'analyse monétaire vise à évaluer les évolutions de la masse monétaire, de l'octroi des crédits et de leurs composantes, et cherche à dégager les signaux les plus pertinents pour déterminer les tendances de l'inflation à plus long terme.
À très court terme, l'Eurosystème gère le taux d'intérêt du marché monétaire au moyen de ses opérations d'open market. Par conséquent, l'Eurosystème mène de facto une politique de pilotage du taux d'intérêt, consistant à influencer la structure par terme des taux au moyen du taux d'intérêt à court terme et, par là même, l'économie réelle, la masse monétaire et l'inflation. Au début de chaque mois, le Conseil des gouverneurs fixe à cet effet les taux directeurs, qui indiquent l'orientation de la politique monétaire. Le taux de soumission minimal des opérations principales de refinancement revêt une importance particulière dans ce contexte. Le cadre opérationnel de la conduite de la politique monétaire vise à stabiliser le taux d'intérêt au jour le jour au niveau du taux de soumission minimal fixé par le Conseil des gouverneurs. Cependant, d'autres options peuvent en théorie aussi être envisagées. Ainsi, la banque centrale pourrait gérer activement la base monétaire, également appelée monnaie de banque centrale, plutôt que le taux d'intérêt du marché monétaire, ce qui permettrait en principe d'influencer la création de monnaie par les établissements de crédit et, partant, l'économie réelle et l'inflation. Dans la mesure où le concept de base monétaire est très proche de celui de masse monétaire et eu égard au rôle important que lui confère la stratégie de politique monétaire, l'on pourrait même supposer que la base monétaire constitue une meilleure cible.
Lorsque l'on passe en revue les avantages et les inconvénients de ces deux options, il ressort que les conditions sont plus favorables à la conduite d'une politique visant à piloter le taux d'intérêt plutôt que la masse monétaire. En effet, l'incertitude générée par les chocs affectant la demande de monnaie et l'instabilité des multiplicateurs de la monnaie est plus manifeste que celle qui résulte des chocs affectant la demande globale, surtout à très court terme, l'horizon pertinent pour la conduite de la politique monétaire. C'est la raison pour laquelle les banques centrales des pays dont les marchés financiers sont bien développés mènent à l'heure actuelle une politique de pilotage du taux d'intérêt.
Le choix d'une politique de pilotage du taux d'intérêt n'entre pas en contradiction avec le rôle prépondérant joué par la monnaie dans la stratégie de politique monétaire de l'Eurosystème. La réalisation de l'objectif final se situe en effet sur un autre horizon ‑ le moyen terme selon la définition de la stabilité des prix ‑ que la conduite de la politique opérationnelle où le très court terme importe. L'avantage comparatif de l'analyse monétaire comme indicateur des risques pesant sur la stabilité des prix se situe, pour sa part, surtout sur les moyen et long termes.
La conduite d'une politique de pilotage du taux d'intérêt implique que le bilan de la banque centrale est endogène. La demande de liquidités est satisfaite par la banque centrale afin de stabiliser le taux au niveau souhaité. Les fluctuations de la demande de liquidités entraînent donc des modifications au niveau des rubriques du bilan. Ceci signifie également que ce n'est pas la base monétaire mais bien le taux d'intérêt qui signale l'orientation de la politique monétaire. Dès lors, les injections parfois massives de liquidités qui ont eu lieu durant l'été 2007 lors la période de turbulences sur les marchés financiers ne sont en aucune façon indicatives de l'orientation de la politique monétaire.