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L’impact des objectifs climatiques sur les entreprises belges

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L’impact des objectifs climatiques sur les entreprises belges
Les objectifs climatiques européens ont une influence de plus en plus grande sur l’économie de notre pays. Une enquête menée auprès d’entreprises belges montre que celles-ci associent principalement la transition climatique à une hausse des coûts des intrants et des prix de vente. Pour les entreprises participantes de l’industrie manufacturière, ce renchérissement va également de pair avec une diminution de la demande et de leurs investissements en Belgique. Cela semble donc correspondre à un choc d’offre négatif classique !

L’obligation de rénovation des maisons familiales n’a échappé à personne, mais comment les entreprises belges perçoivent-elles le durcissement de la réglementation climatique ? Comment cela influe-t-il sur leurs coûts et sur leurs prix de vente et comment voient-elles évoluer la demande et leurs investissements ? En mai dernier, nous avons mené auprès des entreprises belges une enquête en ligne consacrée à la politique de transition climatique. Nous avons à cette occasion une fois de plus pu nous appuyer sur le vaste réseau d’organisations patronales grâce auxquelles nous avions déjà pu récolter un grand nombre d’informations utiles durant la crise du coronavirus et la crise énergétique. Quelque 300 entreprises de différentes tailles opérant dans plusieurs branches d’activité ont ainsi complété l’enquête.

L’intérêt des entreprises pour cette enquête sur le climat a été beaucoup plus limité que celui qu’elles avaient manifesté pour celles que nous avions menées en 2020-2021 et pour lesquelles les répondants se comptaient par milliers. Cela peut suggérer que toutes les entreprises ne sont pas sensibles à cette question. Ce sont probablement les entreprises les plus concernées par la transition climatique ou par la politique climatique qui ont décidé de répondre. Les participants à l’enquête étaient relativement nombreux dans l’industrie manufacturière et, plus particulièrement, parmi les entreprises grandes consommatrices d’énergie. Les résultats ne peuvent dès lors pas être généralisés à l’ensemble des entreprises belges.

Questions exploratoires : prix du carbone, obstacles et moteurs

Les réponses aux premières questions fournissent d’emblée des informations assez surprenantes : la plupart des participants à l’enquête sont incapables d’estimer correctement le prix actuel du carbone dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (European Union Emissions Trading System ou EU ETS). Il s’agit pourtant d’un pilier important de la politique climatique européenne, qui vise notamment à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 (par rapport à celles de 1990) et à atteindre la neutralité climatique pour 2050[1]. Les entreprises belges doutent en outre que cet objectif puisse être atteint d’ici 2030 : pas moins des trois quarts des entreprises répondantes à l’enquête pensent qu’on n’y parviendra pas.

L’enquête se penchait également sur les freins et les moteurs des décisions liées au climat. Parmi les principaux obstacles, on retrouve, sans surprise, les considérations relatives aux coûts et aux bénéfices, le manque de clarté du cadre politique et la lourdeur des charges administratives. Les facteurs qui devraient influencer le plus les investissements liés au climat d’ici 2030 sont les prix de l’énergie et du carbone, les réglementations climatiques et les exigences des clients ou des investisseurs. En ce qui concerne les prix de l’énergie, les participants s’attendent à ce que les prix du gaz et de l’électricité en Belgique grimpent en parallèle d’en moyenne quelque 40 % d’ici à 2030. Ce faisant, 90 % d’entre eux s’attendent également que les prix de l’énergie seront (toujours) relativement plus élevés en Belgique que dans le reste du monde.

[1] Pour en savoir plus sur la politique climatique européenne, (re)lisez un de nos blogs précédents : Les aspects macroéconomiques de la neutralité climatique : une perspective européenne | nbb.be

 

Questions clés : impact de la transition climatique

Après ces questions exploratoires, nous sommes entrés dans le vif du sujet de notre enquête. Nous avons notamment demandé aux entreprises d’estimer l’impact de la transition climatique sur les coûts de leurs intrants, sur leurs prix de vente, sur la demande et sur leurs investissements au cours des trois dernières années, mais aussi d’ici à 2030. Plus des trois quarts des participants à l’enquête ont ainsi attribué la récente hausse des coûts des intrants et des prix de vente à la transition climatique. Toutes les entreprises n’ont par ailleurs pas été en mesure de répercuter dans la même mesure l’augmentation des coûts des intrants sur leurs clients en relevant leurs prix de vente. Notre analyse suggère notamment qu’il est relativement plus compliqué pour les grandes entreprises de l’industrie manufacturière confrontées à la concurrence étrangère de convertir pleinement l’élévation des coûts en une hausse des prix. Une proportion similaire d’entreprises participantes sont par ailleurs d’avis que la transition climatique induira dans un avenir proche une augmentation des coûts et des prix.

Trois quarts des entreprises participantes sont d’avis que la transition climatique induira dans un avenir proche une augmentation des coûts et des prix.

L’incidence sur la demande est un peu moins évidente : dans le passé, certains participants ont constaté une augmentation de celle-ci liée à la question climatique, là où d’autres ont observé une diminution. Il en va de même pour l’avenir. On note toutefois systématiquement un effet négatif en termes nets pour les entreprises de l’industrie manufacturière qui ont participé à l’enquête : un plus grand nombre d’entre elles observent un recul de la demande. Il est par ailleurs surprenant que si ce groupe d’entreprises industrielles n’a été en mesure de répercuter l'augmentation des coûts que dans une moindre proportion, elles ont en moyenne fait état d’une contraction de la demande. Leur solidité financière s’en ressent dès lors, alors même que c’est essentiellement ce groupe d’entreprises qui devra consentir des efforts (d’investissement) supplémentaires dans les prochaines années pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Les conséquences sur les investissements sont elles aussi quelque peu équivoques. Ainsi, si certaines entreprises investiront davantage à des fins climatiques, notamment pour répondre à des exigences en matière d’émissions, d’autres seront moins enclines à investir dans des capacités supplémentaires. Si l’incidence nette attendue sur les investissements réalisés en Belgique et dans d’autres pays européens n’est ni totalement positive ni entièrement négative, l’enquête montre toutefois une franche tendance à investir davantage en termes nets à l’extérieur de l’UE. Environ un quart de nos répondants ont ainsi des projets en ce sens, quand seuls 8 % des entreprises prévoient de réduire leurs investissements hors de l’UE. Une partie de ces cas pourraient par ailleurs impliquer une relocalisation des investissements : plusieurs entreprises de notre échantillon indiquent qu’elles prévoient d’investir moins en Belgique d’ici 2030, alors qu’elles projettent précisément d’investir davantage à l’extérieur de l’UE.

Choc d’offre négatif

En somme, l’enquête que nous avons menée ne permet pas de dresser un tableau très optimiste de l’incidence future de la transition climatique sur ce groupe d’entreprises répondantes. Les réponses apportées feraient plutôt pencher en faveur d’un choc d’offre négatif, avec des prix plus élevés et une croissance plus faible.

En somme, l’enquête que nous avons menée ne permet pas de dresser un tableau très optimiste de l’incidence future de la transition climatique...

Le lecteur critique ne manquera toutefois pas de faire valoir que les résultats présentés ici peuvent donner une image un peu plus sombre de la réalité, en ce que nous pouvons supposer que seules les entreprises les plus touchées ont choisi de participer à l’enquête et qu’elles pourraient avoir apporté des réponses délibérément plus pessimistes. Nous avons cependant tenté de remédier à ce problème en menant des analyses supplémentaires. Ainsi, à la fin de l’enquête, les entreprises étaient réinvitées à indiquer l’incidence de la transition climatique sur laquelle elles tablent d’ici à 2030, mais cette fois après que nous leur ayons communiqué des informations sur l’évolution attendue du prix du carbone de deux manières différentes, ce qui peut être considérée comme une approximation de la rigueur de la politique climatique. Nous avons comparé leurs réponses aux attentes qu’elles avaient émises précédemment concernant le prix du carbone afin de calculer dans quelle mesure ce « choc d’information » conduisait à des attentes différentes.

En procédant à des régressions économétriques, nous avons pu déterminer la relation de cause à effet entre le prix du carbone et les variables des entreprises. Nous vous épargnons les détails techniques – vous pourrez, si vous le souhaitez, les consulter dans le Working Paper publié aux fins de la conférence de recherche de la BNB des 3 et 4 octobre –, mais les conclusions restent globalement inchangées : une relation positive significative se dégage entre le prix du carbone et les attentes des entreprises concernant les prix de l’énergie et ceux des intrants d’ici 2030. À cela s’ajoute qu’un prix du carbone plus élevé risque d’encourager les entreprises à réduire leurs investissements intracommunautaires pour privilégier ceux à l’extérieur de l’UE.

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